La 34 édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023 qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février 2024, suscite beaucoup d’intérêt et fait couler beaucoup d’encres. Cette situation a engendré une surcharge informationnelle sur les réseaux sociaux, ainsi que des cas de désinformation.
Deux jours après la finale de la CAN 2023 qui s’est soldée par la victoire de la Côte d’Ivoire (pays organisateur) face au Nigéria, c’est-à-dire le mardi 13 février 2024, une information est publiée et relayée par de nombreuses pages sur Facebook. Cette information annonce la démission de l’entraîneur de l’équipe ivoirienne Faé Emerse.
Aussitôt, « Zouglounonstop », une page Facebook qui est suivie par plus de 300 000 personnes publie « Démission de l’entraîneur FAÉ EMERSE en tant que sélectionneur des champions d’Afrique de la CAN 2023 ». La publication suscite par la suite plus de 1000 réactions, 400 commentaires et 60 partages, au moment du recensement. Plus tard, l’auteur du post modifiera ce contenu en ajoutant « vrai ou faux », pour faire croire qu’il s’agissait d’une question.
« Sport 25 », une page Facebook qui est aussi suivie par plus 200 000 personnes, partage également le même contenu que Zouglounonstop, et touche à son tour plus de 700 personnes avec 134 commentaires et 45 partages au moment du recensement. Contrairement à Zouglononstop, le contenu ne sera ni modifié, ni supprimé.
Comme eux, Lia Gnan Ferdinand annonce sur son profil ‘’l’information’’ du moment qu’il associe à une petite réflexion. « A l’instant Faé Emerse aurait déposé sa démission. Il ne serait plus l’entraîneur des Éléphants. BELLE DEMARCHE alors. A partir de ce moment, il oblige Idriss Diallo à négocier avec lui un contrat honorable. Idriss face désormais à un dilemme ? Prendre un sélectionneur expatrié qui va coûter plus cher et même trop cher où garder le héros de cette CAN 2023 avec des conditions de traitement plus honorables selon FAÉ ? », s’interroge-t-il.
Celui-ci emploie le conditionnel pour plus de précaution, mais les interventions qui suivent démontrent amplement que l’information est prise pour crédible. « Très bonne décision », a réagi l’internaute Alyda Lacoste ainsi que plusieurs autres personnes.
Influencée également par cette rumeur venue de nulle part, Investir en Côte d’Ivoire, analyse le sens de la ‘’démission’’ du sélectionneur ivoirien. « Comprendre le sens de la démission de FAE. Petite précision sur la démission de notre Émerse Faé pour éviter la confusion dans les têtes des ivoiriens. Il est tout à fait normal qu’il démissionne, car le poste qu’il occupe actuellement est celui d’un coach adjoint juste pour cette CAN et vu que la mission du coach adjoint est terminée, car la CAN terminée, il devra lui-même mettre fin à son contrat pour postuler au rang de coach titulaire », explique-t-elle. Cette sortie qui sera supprimée plus tard engendre plus 1000 réactions, 172 commentaires et 60 partages.
La montée inexplicable de l’information non vérifiée a immédiatement été rattrapée par des professionnels de médias dont le journaliste Boris Odilon qui a indiqué ceci sur sa page Facebook: « Arrêtez de mentir. Faé n’a pas démissionné. Je suis à la maison Palmier ici. Il vient de boucler une interview avec un média. Il est rentré chez lui. Tout est chic ici ».
Pourquoi cette rumeur s’est rapidement propagée sur les réseaux sociaux ?
Selon la Professeure Caroline Sauvajol-Rialland auteure du livre Infobésité : comprendre et maîtriser la déferlante d’informations qui reste encore une référence à ce sujet, « Aujourd’hui, nous vivons dans un monde rempli d’informations […] L’humain est au centre de ce phénomène, à la fois émetteur et récepteur de cette vague d’informations. Un bon nombre de personnes en voyant ces propos diront qu’être entouré d’informations est une bonne chose surtout si les informations se propagent aussi vite, mais nous voyons avec ce phénomène l’arrivée des fake news ».
L’intérêt général de la CAN qui s’est manifesté par le rassemblement de près de 2 milliards de téléspectateurs à travers le monde, (soit quatre fois plus que l’édition précédente qui avait totalisé 500 millions de téléspectateurs), est un exemple parmi tant d’autres.
En effet, les auteurs de différents profils et pages sur les réseaux sociaux, désireux d’attirer de plus en plus d’abonnés et de réactions s’empressent de publier des contenus non vérifiés autour de la CAN, afin de parvenir atteindre leur objectif.
Un contexte qui plonge la toile dans l’infobésité (une surcharge informationnelle), qui se produit de façon générale lorsque l’offre dépasse la capacité, c’est-à-dire que les personnes sont submergées par un flow d’informations abondant et continue qui provient de différents canaux, comme expliqué dans l’ouvrage précité.
Quelles sont les conséquences de la désinformation et de la surcharge informationnelle ?
L’infobésité, selon le site ‘’Digital Guide’’ peut-être extrêmement pesant pour le cerveau humain. « De nos jours, nous sommes confrontés en moyenne à 6 000 informations quotidiennement. Le cerveau doit estimer la pertinence de ses données et va les relier à ses expériences en faisant des associations. Les capacités de concentration du consommateur sont alors fortement affectées. Le traitement d’un nombre élevé d’informations va en effet demander une attention croissante et pouvoir mener à de la fatigue, des oublis et de plus en plus au syndrome de burnout », lit-on.
Toujours selon le site, « Les psychologues et médecins tirent donc la sonnette d’alarme face aux effets croissants de cette surcharge informationnelle. Il n’est pas rare d’observer du stress au quotidien, mais aussi parfois des migraines aigues, voire même des maladies psychiques pour les cas les plus graves ».
La désinformation, qui est une conséquence de l’infobésité, cause par ailleurs de nombreux inconvénients dont les conflits dans des cas extrêmes.
Comment réduire les inconvénients de l’infobésité et la désinformation ?
Afin de réduire les inconvénients de la désinformation liées à l’infobésité, les populations devraient prendre plusieurs dispositions, notamment demander la source des informations diffusées sur les réseaux sociaux aux auteurs, éviter de partager rapidement les publications, consulter les médias numériques pour vérification, effectuer quelques recherches via les outils numériques (google image), signaler les contenus des désinformations…
La société civile, les activistes, les bloggeurs, les influenceurs, le gouvernement, doivent accentuer les sensibilisations numériques sur la désinformation, avant, pendant et même après, les périodes susceptibles de générer l’infobésité.
Certaines dispositions doivent également être mises en place pour faire de la veille et sanctionner les auteurs de la désinformation.
En Côte d’Ivoire, la loi No 2013-451 portant répression de la cybercriminalité et de la divulgation des fausses nouvelles, en son article 65 punit «de six mois à deux ans d’emprisonnement et de 1.000.000 à 5.000.000 de francs CFA d’amende, le fait pour toute personne de communiquer ou de divulguer par le biais d’un système d’information, une fausse information tendant à faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration de biens ou une atteinte aux personnes a été commise ou va être commise ».
Marina Kouakou