La commission électorale indépendante : instrument de cohésion sociale ou de perpétuels conflits

Le samedi 2 décembre 2023, la commission indépendante locale (CEI) de la ville de Ferkessédougou située dans le nord de la Côte d’Ivoire a été incendiée par des individus non identifiés. Cet incident s’est produit dans le cadre des élections municipales partielles en Côte d’Ivoire pendant l’opération de compilation des résultats. Une enquête a été ouverte par les autorités pour déterminer les responsables de cet acte de vandalisme.

Encore un énième acte de contestation et de violence contre la Commission Électorale Indépendante durant une élection. Depuis plus de dix ans, les ivoiriens sont accoutumés à la violence, aux conflits et crises à chaque élection. À l’approche d’une élection, où les populations doivent choisir leurs élus, elles font face à la crispation et à la peur parce que ne sachant pas comment les choses se termineront. 

La commission électorale indépendante est la principale mise en cause des troubles orchestrés à chacune de ses périodes électorales.  Elle fait constamment l’objet de critiques acerbes au sein de la classe politique et d’une frange de la population ivoirienne. 

La commission électorale indépendante de Côte d’Ivoire est une autorité administrative indépendante née en 2001 et dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle est instituée par la constitution ivoirienne. Elle est chargée de l’organisation et la supervision du référendum, ainsi que des élections. La Commission électorale indépendante est composée de membres permanents et de membres non permanents. Elle intègre non seulement une commission centrale, mais également des commissions locales situées aux niveaux régional, départemental, sous-préfectoral et communal.

En 2010 commencent les soubresauts au sein de la CEI, son président d’alors Robert Beugré Mambé aujourd’hui premier ministre est accusé de fraude dans l’établissement des listes électorales, chose que nie l’ancien locataire de cette institution. Cependant, il reconnaît un dysfonctionnement dans le fait qu’un fichier contesté de 429.030 noms, un document de travail selon lui, se soit retrouvé dans certaines antennes locales de la CEI. La commission est contestée dans la rue avec des incidents dans la ville de Man. Le 5 mars 2010, il est remplacé par Youssouf Bakayoko qui vient du PDCI comme lui.

Le 28 novembre 2010, au second tour des élections présidentielles, des dissensions sont observées au sein de la commission électorale indépendante qui n’arrive pas à se mettre d’accord sur les résultats à annoncer. Le 30 novembre, l’un des représentants du parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien, arrache des mains du porte-parole de La CEI les résultats qu’il veut annoncer devant toute la presse. La proclamation des résultats provisoires par le président Youssouf Bakayoko se fait hors du délai de trois jours impartis par la loi électorale. À la surprise générale, l’annonce des résultats est faite à l’hôtel du Golf, le QG de l’opposition. 

La crise post-électorale du 31 octobre 2020 .

Les élections présidentielles du 31 octobre 2020 sont également émaillées de violences avec son corollaire de morts. La candidature du président sortant est contestée parce que jugée anticonstitutionnelle par l’opposition. L’ancien président Laurent Gbagbo et l’ancien premier ministre Guillaume Soro sont radiés de la liste électorale par la CEI ils ne peuvent donc être candidats. Des irrégularités sont dénoncées sur les listes électorales par l’opposition qui demande sa révision. Son appel n’ayant pas été entendu, elle lance l’opération boycotte des élections par tous les moyens légaux. 

Les critiques des internautes sur la CEI

Le parti unique et le multipartisme et l’ancienne méthode d’organisation des éléctions 

Les années  avant le multipartisme, la Côte d’Ivoire était dirigée par le parti unique, le parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Le ministère de l’intérieur à cette époque était chargé de l’organisation  des élections . Sous le  mandat du président Henri Konan Bédié, le ministère de l’intérieur était toujours chargé de l’organisation des joutes électorales. Ces élections étaient sources de contestation parce que l’opposition estimait qu’elles étaient truquées au profit du parti au pouvoir.  Accédant à la magistrature suprême en 2000, Laurent Gbagbo met en place un nouvel organe chargé d’organiser  les élections. La mise en place de ce nouvel organe avait pour but d’avoir un organe inclusif, où tous les partis politiques étaient représentés en vue d’organiser des élections justes, transparentes et incontestables.    

Malheureusement, force est de constater que  la commission électorale indépendante est au centre de toutes les crises post-électorales, pour ne pas dire est constamment pointée du doigt dans les crises électorales qu’a connues la Côte d’Ivoire. 

La dernière en date ,  se rapporte aux  élections municipales et régionales d’octobre 2023 , certains des candidats de l’opposition comme du pouvoir  ont dénoncé des irrégularités dans les bureaux de votes, ils ont même déposé des recours au conseil d’État pour l’annulation des résultats  municipaux et régionaux  à l’issue de la proclamation,  par la commission électorale indépendante des résultats électoraux. A cet effet,  plusieurs manquements ont été observés , la non maîtrise des tablettes par les agents de la CEI, l’ouverture en retard des bureaux de votes, certains agents de la CEI ne se sont pas rendu dans leur centre de vote. Des soupçons de corruption ont même été émis à l’endroit de quelques agents dans la commune du plateau lors des votes. Malgré ses différentes campagnes de sensibilisation, d’informations à l’endroit des populations et des partis politiques ainsi que la formation de ses agents pour le bon déroulement des élections, des bruits demeurent autour de l’institution. Les opposants proposent comme solutions, l’impartialité du président de la CEI, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être inféodé à un parti. Donc, procéder à   un appel à candidature pour ce poste. Comme autres propositions, ils estiment que les membres de l’organe soient des personnes apolitiques ou qu’on revienne carrément à l’ancienne formule, à savoir, l’organisation des élections par le ministère de l’intérieur.  

CONCLUSION

À l’orée de 2025, quelle commission électorale indépendante pour une élection présidentielle apaisée ? Notre constat : à l’origine, la CEI a été instituée pour des élections inclusives et transparentes. Malheureusement, ce n’est pas ce à quoi nous assistons depuis sa création. Que faire donc ? sensibiliser nos gouvernants et la classe politique à s’asseoir et à réfléchir sur les solutions idoines pour une Commission Indépendante Ivoirienne réformée pour le bien des populations. Nous joignons à cette sensibilisation, les organisations de la société civile et la presse qui ont une proximité avec les populations à jouer leur rôle. Rôle qui consiste à aider les institutions publiques à devenir plus transparentes, responsables et inclusives dans leurs processus décisionnels. La population a besoin d’être sensibilisée sur les réseaux sociaux afin de ne pas se laisser manipuler par les politiciens. Cela doit se faire à travers la production de contenu sur la paix, la responsabilité individuelle. 

Fulgence Kanon