Côte d’Ivoire : Quand les alliances interethniques restent un élément catalyseur de cohésion sociale

Les alliances à plaisanterie, les railleries ou mieux les alliances interethniques considérées comme des signes de non-agression entre les différentes  communautés, les différentes ethnies ont été dans nos sociétés des éléments essentiels et fondamentaux de maintien de la paix, du vivre ensemble et de la cohésion sociale.

Les durs moments de crises successives vécues en Côte d’Ivoire, les conflits communautaires dans les villes et villages du terroir ivoirien en témoignent largement.

Le rôle des alliances interethniques dans les relations intercommunautaires et interpersonnelles 

Avec les alliances à plaisanterie, il est possible pour les communautés de trouver des solutions à leurs différends à travers des règlements pacifiques, évitant ainsi de faire sombrer les communautés dans de pires violences d’envergure grandiose.

Les peuples alliés transforment leurs conflits, leurs malentendus en historiettes (contes).

Quelques exemples de peuples ou ethnies alliées

En Côte d’Ivoire, l’on observe et constate ce rapprochement manifeste des ethnies entre les groupes ethniques que sont les Yacouba avec les Peulh, Sénoufo, Djimini, Tagwana, Djamala,  celles des Sénoufo avec les Yacouba, Koyaka, Lobi, Gouro, Mahouka, Koulango. Aussi, il y a celles des Attié avec les Dida, M’Batto, Kroumen, Bakwé. Les Baoulé, eux font alliance avec les Ando et Agni, et les Gouro.

Aujourd’hui, avec l’évolution des techniques de communication, cette pratique s’accentue encore entre les groupes ethniques. D’aucuns parmi eux se sont constitués pour créer des plateformes numériques (Facebook, WhatSapp). Avec ces moyens de communication, les membres procèdent à des railleries, plaisanteries qui ont pour but de maintenir l’harmonie, le bon ton, l’invitation au vivre ensemble, la consolidation de la paix et la cohésion sociale. On a les groupes tels que Les voisins d’à côté Gouro Yacouba Sénoufo  et Clash Sénoufo Yacouba . Sur ces pages et groupes d’interactions des membres, il ne se passe de jour sans qu’un élément de raillerie et de plaisanterie ne soit posté. À travers bien sûr ces moments d’échanges, de part et d’autre, les membres ont chacun les nouvelles des uns et des autres.

Cette vie de famille a quelque chose d’important à souligner aussi. Les membres de ces groupes s’assistent mutuellement en cas d’évènements joyeux et douloureux d’un des leurs et cela renforce la coexistence qu’on peut qualifier de pacifique.

Les alliances interethniques permettent aussi de rassembler les ethnies et contribuent foncièrement au pardon, à la tolérance, à la réconciliation lorsqu’il y a des problèmes et tisser des liens séculaires entre les peuples.

L’exemple de la mutuelle des alliés pour la cohésion sociale en Côte d’Ivoire nous en dit plus. NB: Son cas est cité ici dans la mesure où dans les années 2017, 2018, nous avions fait partie de l’équipe dirigeante en tant que secrétaire général sous la direction du sieur Laurent Gbessy, président de ladite mutuelle. À travers ce lien, il ressort que la page Facebook de la mutuelle existe, mais n’est pas animée convenablement, on pourrait même avancer qu’elle n’est pas fonctionnelle.

C’est une mutuelle qui a en son sein l’ensemble des différents groupes ethniques. Elle fait la promotion de la réconciliation, la paix et la cohésion sociale, toutes liées à l’accomplissement des exigences de la relation interpersonnelle et des rapports d’alliance. D’autres associations ou mutuelles existent. Elles parlent, promeuvent la paix et la cohésion sociale, à savoir le Festival des Alliances Interethniques de Côte d’Ivoire (FAI-CI) et le Festival Carrefour des Alliés de Côte d’Ivoire. Parce que, en réalité,   si les membres ou les partenaires ne sont fidèles à l’alliance, la paix disparaît. Manifestement, la mutuelle comme tous les autres moyens et outils de rapprochement travaillent dans le sens de faire la paix, agir pour la paix et construire la paix. Il faut noter relativement à cet aspect des choses que, la paix, la réconciliation, la cohésion sociale sont un bien, une valeur à acquérir. Et, c’est de cette façon qu’elles s’inscrivent inéluctablement et fondamentalement dans un processus. Elles se construisent dès lors par une décision, un choix, autrement dit, par un acte de volonté des peuples ou groupes ethniques de mettre fin à leurs pugilats en fixant de façon collégiale les conditions de la coexistence pacifique, leur coexistence.

Pendant la crise militaro-politique ivoirienne, les pactes entre les ethnies ont beaucoup contribué à apaiser les tensions et sauver des vies de concitoyens là où des combats faisaient rage. « Nous avions eu la vie sauve grâce à un militaire dont l’ethnie est Sénoufo au moment nous rallions Abidjan sous les balles assassines dans la ville de Duékoué. Au moment des contrôles et vérification des identités, ce dernier constate que nous sommes de la région du Tonkpi. A la lecture de nos noms, il a demandé à ses collègues de libérer le véhicule dont nous étions à bord… », a témoigné Kla Lohi Oscar au sortir de la crise de 2010. Ceci pour dire tout simplement que les alliances interethniques sont importantes et doivent être préservées pour le bonheur des populations. Ce sont des pactes que tout allié doit continuer de nourrir pour le présent et le futur.

En définitive,  si de son étymologie latine pax, le mot paix signifie pacte qui est l’aboutissement d’un rapprochement scellé, force est de reconnaître qu’au-delà des règles ou lois qui régissent les sociétés, il est indéniable d’accorder une place de choix aux alliances interethniques qui sont un vecteur de paix, de réconciliation, du vivre ensemble et de cohésion sociale.

À cet effet, l’on pourrait envisager les actions suivantes pour maintenir le cap et consolider toutes ces valeurs :

Les décideurs et les gouvernants doivent donner une lettre de noblesse aux alliances interethniques en les inscrivant dans tous les programmes de développement durable ;

Tous les groupes ethniques alliés doivent reconsidérer leurs positions en promouvant au sein de leurs différentes familles auprès des tout-petits la notion d’alliances à plaisanterie ;

Inscrire aux programmes scolaires la question d’alliances interethniques  pour instruire les élèves et tout acteur du système éducatif sur la question.

Hervé Zian