Les discours de haine dans les articles de la presse écrite ivoirienne, un frein à la cohésion sociale

Les discours de haine sont aujourd’hui répandus dans la société ivoirienne.

Les médias de par leurs fonctions contribuent largement à fixer les modes de pensée, à déterminer en grande partie les idées, les habitudes et les coutumes. Ils sont devenus en quelque sorte le miroir de la société. Ils décident et dictent la mode, la consommation, les modes de vie. Pourtant de nombreux médias pour assouvir l’intérêt de leurs lecteurs ou mettre en mal la réputation d’une personne n’hésitent pas à publier des informations incitant à la haine.

Selon le code de conduite de l’Union Européenne, le discours de haine est « tout type de communication verbale, écrite ou comportementale, qui attaque ou utilise un langage péjoratif ou discriminatoire avec référence à une personne ou à un groupe sur la base (…) de leur religion, leur origine ethnique, leur nationalité, la race, la couleur, l’ascendance, le sexe ou tout autre facteur d’identité ».

L’année électorale 2020 a été une période de vives tensions politiques en Côte d’Ivoire. Chaque parti politique, pour plaire à ses partisans, faisait des déclarations ou des critiques parfois acerbes.  

Dans la foulée, des discours de haine ont pu avoir d’impacts néfastes sur la société, tels que la création d’un climat de peur et d’intimidation, qui inhibe la liberté d’expression et la participation civique.

La propagation de stéréotypes et de préjugés, qui peuvent entraîner des discriminations et des injustices systémiques ont été également au menu de cette période électorale de 2020.  

Quelques discours de haine dans les journaux de la presse écrite ivoirienne

Dans la parution du quotidien l’héritage du 29 au 31-11-2023, il est écrit 

« ’boussoumani’’ … Et pour une fois, ‘’l’éléphant du Zanzan’’ s’est armé de courage pour tancer le camp présidentiel.  Visiblement visité par un éclair de génie, Adjoumani a ouvertement menacé celui qui incarne la République de lui rendre sa démission, au cas où il tentait de le contraindre à adhérer à ce projet… A première vue, la révolte d’Adjoumani et du Gontougo parait légitime et même justifiée… Or, le chef »

Dans cet article, l’emploi répétitif du « boussoumani », terme à connotations péjoratives et exclusionnistes pour désigner les populations du sud auxquels, le régime en place n’entendrait nullement « céder le pouvoir », est de nature à opposer les populations, à les conditionner à la révolte et à provoquer des troubles sociaux surtout que ces déclarations ne sont soutenues d’aucune preuve. 

Dans la parution de Dernière Heure Monde du 01-06-2022, Tirbuce Koffi, célèbre écrivain ivoirien s’indignait de la valeur de son prix reçu lors du SILA. Il affirme : « (…) Une Miss, c’est la célébration des paires de fesses et de seins d’une jeune fille. (…)  Quand on offre des dizaines de millions, un véhicule, une villa à une jeune fille maigre comme Lucky Luke (…) ».

Ces propos identifiés en jaune sont malveillants, dévalorisants pour qualifier l’élue d’une compétition.  Les expressions sont des comparaisons à connotations péjorative et méprisante pour décrire un type d’aspect physique de la femme. De tels écrits excessifs sont insultants à l’encontre d’une catégorie de la gente féminine se reconnaissant dans cette compétition et/ou y participant. 

 Conséquences des discours de haine dans une société

Les discours de haine peuvent avoir un impact profond sur les individus et les communautés ciblées. Ils peuvent causer de la peur, de l’anxiété et de la détresse émotionnelle. Les personnes qui sont victimes de discours de haine peuvent se sentir isolées, stigmatisées et discriminées.

Cela peut également entraîner des conséquences physiques et mentales, telles que des problèmes de santé mentale, des troubles du sommeil et même des comportements autodestructeurs. Les communautés ciblées peuvent subir une marginalisation accrue, une division sociale et une détérioration des relations interpersonnelles. 

Les discours de haine ont un impact négatif sur la société et la cohésion sociale. Ils créent des divisions et des tensions entre les individus et les groupes, ce qui peut conduire à des conflits et à la fragmentation de la société. Les discours de haine alimentent également la discrimination et l’exclusion, empêchant ainsi la construction d’une société égalitaire et harmonieuse.

Recommandations aux journaux de la presse écrite ivoirienne

Tout métier est régi par un code d’éthique et déontologie. Le journalisme est une profession soumise également à des règles. Car comme le disaient De Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud dans le journalisme sans peine « l’un des principes du journalisme moderne, c’est de ne heurter personne pour conquérir le maximum de lecteurs. Ainsi, les journalistes doivent se conformer aux règles du métier, notamment en l’article 14 du code d’éthique et de déontologie du journaliste en Côte d’Ivoire qui recommande que : « s’abstenir de toute atteinte à l’éthique sociale : incitation au tribalisme, à la xénophobie, à la révolte, à la violence et aux crimes et délits ; outrage aux bonnes mœurs, apologie de la guerre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. ».

Le rôle fondamental du journaliste est de rapporter avec sincérité les faits, de les analyser et de les commenter sans toutefois porter atteinte à l’éthique sociale et la dignité d’une personne.  Ainsi, Tout journaliste professionnel se doit de proscrire toute action haineuse dans ses écrits ou propos

AZIAN EMMANUEL