Dans les sociétés traditionnelles ivoiriennes, l’harmonie sociale reposait sur des valeurs fondamentales. Les alliances interethniques constituent un exemple parmi tant d’autres. En vertu de ce pacte sacrée conclu entre des communautés, elles parvenaient à prévenir, voire à résoudre les conflits rapidement. Pour une nation comme la Côte d’Ivoire, en quête de cohésion, la promotion de ces valeurs sociales est plus que nécessaire.
Un peu d’histoire
Les alliances interethniques, communément appelées « Toukpê », sont généralement instaurées dans le cadre des guerres. Elles se présentent comme un contrat social conclu entre les parties signataires. Il s’agit de parentés à plaisanteries, axées sur des pactes de non-agression. Au nom de ce contrat social, aucun peuple n’a le droit de nuire à un autre. Au cas où un incident venait à se produire, de façon accidentelle, la partie éprouvée est obligée de digérer sa colère. Donc de se plier aux exigences établies, pour un règlement rapide et définitif du problème.
Sur cette base, on note des alliances surtout entre les Agni et les Baoulé, Agni / Attié, Bété / Bakoué, Dida / Abbey, etc.
Le constat du moment
Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, malgré quelques survivances dans certaines contrées, les alliances interethniques se meurent. Avec l’avancée du modernisme, les considérations politiques et l’intellectualisme prennent souvent le pas sur la tradition. Des contemporains, issus des peuples soumis aux alliances interethniques, ne s’y reconnaissent pas. Ceux mêmes qui adhèrent à ces valeurs sociales ignorent tous de leur mode de fonctionnement.
Façonnés et phagocytés par l’occidentalisation, les peuples évoluent et se construisent, mais en marge des considérations et conventions d’autrefois. Le mode de règlement traditionnel des conflits et litiges se meurt. Du coup, la vengeance, la violence, les vices de nature diverse ont fait irruption dans nos sociétés.
L’importance d’associer les alliances aux différentes initiatives
Les alliances interethniques ont un caractère sacré. Elles enseignent l’honnêteté, la solidarité, la non-violence, le respect de la parole et des engagements. Dans un autre sens, elles favorisent l’harmonie entre les peuples et garantissent la cohésion sociale. La Côte d’Ivoire sort d’une décennie de crises militaro-politiques. Les actions entreprises ici et là sont certes parvenues à un retour de l’ordre. La dernière en date est l’organisation de la Can 2023 en terre ivoirienne. La compétition, en réalité, crée une ferveur au sein des peuples. Mais l’apport des alliances interethniques n’est pas à négliger. Il est vrai que les autorités l’ont bien compris, en les introduisant au programme de l’enseignement secondaire. Cela, à travers l’Education aux droits de l’Homme et à la citoyenneté (Edhc). Mais il faut pouvoir aller au-delà. Les acteurs des médias, des sociologues doivent être sollicités.
Ils pourront ainsi se rendre dans les contrées les plus reculées du pays, à la rencontre des garants de la tradition. A travers des rubriques et autres émissions variées, ils se feront fort d’aider à l’appropriation de ces valeurs par les jeunes générations. Avec le temps, imprégnés de ces richesses, tous, apporteront leur pierre à l’édification de la nation, dans l’harmonie et le respect de l’autre.
Marie Flore Bohoua