Côte d’Ivoire : quand les internautes contournent les structures de santé

 Les pages de discussion sur les réseaux sociaux notamment Facebook occupent une grande place dans la vie de plusieurs internautes, si bien qu’ils s’en servent également pour des ‘’consultations médicales’’.  Cette situation est susceptible de mettre en péril leur bien-être.

Avant l’avènement d’internet, le réflexe des consultations médicales en cas de problème de santé était indéniable. Aujourd’hui, la donne a changé. Il n’est pas rare de voir des publications comportant des symptômes de maladies et de demande d’ordonnance.

C’est le cas du groupe populaire dénommé les “CP Braiso”. Un groupe privé constitué en majorité de jeunes filles et de femmes, dans lequel ces dernières discutent très souvent de l’actualité liée aux buzz des réseaux sociaux.  « Bonsoir les Cp, Svp je cherche un bon médicament de plaie de ventre. Je souffre trop, j’ai mal au ventre à chaque fois », a demandé Christelle N. le 12 juillet 2023. Ce post qui a généré une cinquantaine de réactions a permis des recommandations d’une panoplie de médicaments traditionnels en partie.

Deux mois plus tard, le 18 septembre 2023, l’internaute Aicha M. dans ledit groupe publie sa recherche de «médicaments, pouvant favoriser l’arrivée d’un bébé, même après la période d’ovulation ». Une publication qui a généré plusieurs commentaires, 6 au total, au cours desquels des médicaments ont été prescrits. Il s’agit   de Vivagest et Clomifex, et de Clomid 2 comprimés par jour sur 5 jours. « Ça stimule les ovaires et plusieurs ovules sont libérées. J’ai pris d’un coup puis la grossesse est tombée, mais ça marche car je n’ovule pas chaque mois », conseille l’une des membres du groupe.

Quelques semaines après, c’est-à-dire le 22 novembre 2023, Kelly Lou a aussi partagé sa préoccupation. Celle d’obtenir une astuce contre la nausée. « Je ne suis pas enceinte ! Je ne sais pas si c’est dystrophie qui fait ça ou c’est parce que je suis indisposée, mais c’est fréquent, ça me fatigue ». Aussitôt, elle a également reçu plusieurs indications des internautes.

Comme Christelle, Aicha et Kelly, de nombreux internautes s’adonnent à cette pratique d’automédication sur les réseaux sociaux.

Ces pratiques peuvent être dangereuses pour la santé

Ces pratiques qui s’apparentent à l’automédication sont dangereuses, car, selon le site Matmut, « l’automédication peut en effet entraîner un mésusage des médicaments et une aggravation de l’état de santé de la personne malade. Le mésusage peut prendre de multiples formes comme les erreurs de posologie et la prise simultanée de différents médicaments modifiant mutuellement leur efficacité. Le danger de l’automédication réside aussi dans le fait que le diagnostic médical est susceptible d’être retardé ».

“L’ordonnance”, provient généralement de personnes lambda qui ignorent elles-mêmes les inconvénients des produits qu’elles conseillent et ce qu’elles peuvent entraîner chez les personnes malades.

Il peut y avoir aussi des cas de manipulation de l’information dans l’optique de faire écouler certains produits préalablement confectionnés et proposés pour les achats.  Dans tous les cas, il est extrêmement difficile de vérifier les sources de ces informations qui circulent sur ces remèdes. Ce qui s’avère encore plus dangereux.

Pourquoi certaines personnes recourent-elles à l’automédication en ligne ?

Toujours selon le site, les raisons du recours à l’automédication sont diverses. Il s’agit de « la volonté de soigner sans délai certains maux fréquents (en apparence bénins) tels que des rhumes, des migraines, des maux de gorge, mais aussi des troubles digestifs ; la difficulté à avoir accès à un médecin rapidement dans certaines zones géographiques ; et l’apparition de symptômes déjà éprouvés que la personne associe à une maladie pour laquelle elle a déjà reçu un traitement ».

Le manque de moyens financiers est aussi la cause de l’automédication (le coût élevé de prise en charge des malades dans les formations sanitaires, le faible pouvoir d´achat, l´insuffisance en infrastructures et personnels de santé, la banalisation de certaines maladies…).

Réduire les risques liés à l’automédication en ligne

Selon plusieurs spécialistes, Les personnes souhaitant recourir à l’automédication malgré ses potentiels dangers doivent suivre quelques conseils et recommandations afin de limiter les risques d’aggravation de leur état.

Il faut « demander conseil à un pharmacien avant d’acheter un médicament ou d’utiliser un médicament de son armoire à pharmacie ; respecter la posologie indiquée dans la notice ; respecter les conditions de prise du médicament. Avant le repas ? Le matin ? Le soir ? En dehors des heures de repas ? Prenez le médicament dans les conditions préconisées par le fabricant ; éviter de prendre plusieurs médicaments en même temps pour éviter les effets indésirables (on parle d’interactions médicamenteuses) ; prendre connaissance des effets secondaires du médicament ainsi que des contre-indications. Cela est d’autant plus important pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’allergies ou d’affections particulières ; vérifier la date limite d’utilisation indiquée sur l’emballage lorsque l’on utilise un médicament de son armoire à pharmacie personnelle ; et utiliser l’automédication sur une période courte. Si les symptômes persistent, il est préférable de consulter un médecin ».

Afin de réduire les risques liés à l’automédication en ligne en Côte d’Ivoire, les acteurs de la société civile et le gouvernement devraient organiser des activités de sensibilisation à trois volets, notamment la sensibilisation digitale, la sensibilisation de masse destinée internautes, la sensibilisation à l’endroit des blogueurs et administrateurs des groupes et pages Facebook. Il en est de même pour la réduction de la désinformation sur les réseaux sociaux.

Pour rappel, en Côte d’Ivoire, la loi No 2013-451  portant répression de la cybercriminalité et de la divulgation des fausses nouvelles, en son article 65 punit «de six mois à deux ans d’emprisonnement et de 1.000.000 à 5.000.000 de francs CFA d’amende, le fait pour toute personne de communiquer ou de divulguer par le biais d’un système d’information, une fausse information tendant à faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration de biens ou une atteinte aux personnes a été commise ou va être commise « ; et l’article 62 de la même loi punit «de un mois à cinq ans d’emprisonnement et de 1.000.000 à 20.000.000 de francs CFA d’amende, le fait pour une personne de produire, de mettre à la disposition d’autrui ou de diffuser des données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système d’information. »

Marina Kouakou