Guérisseurs traditionnels : une mise en garde contre les pratiques publicitaires douteuses

Image de la page Facebook Fewdaare Fouta TV Guinée

Les ondes radiophoniques en Guinée sont régulièrement inondées de messages diffusés par des guérisseurs traditionnels. Dans ces messages, diffusés principalement en pulaar, soussou, maninka et en français, ces tradipraticiens se font appeler des anges, des petits dieux, des papas solutions ou encore des voyants, prétendant être en mesure de soigner de nombreuses maladies. Ils invitent les personnes malades à les rejoindre dans leurs emplacements souvent inadaptés à l’accueil de patients. Tout cela se déroule sous les yeux des responsables du pays, à tous les niveaux de responsabilité, notamment les autorités sanitaires. La plupart de ces guérisseurs profitent de la détresse et de la naïveté des patients pour escroquer et amasser des fortunes.

Derrière le terme « guérisseur », on peut retrouver des marabouts, des féticheurs ou encore des charlatans. À ce jour, Conakry, la capitale guinéenne, est envahie par ces gens qui se font appeler guérisseur traditionnel. Ils viennent des quatre coins du pays pour s’installer dans cette agglomération. Certains viennent même de la sous-région ouest-africaine. Ils prétendent guérir toutes sortes de maladies, des hémorroïdes à la faiblesse sexuelle, du diabète à la cataracte, du paludisme à l’hypertension, des morsures de serpent à la fatigue chronique, le coronavirus ou encore de l’hépatite B. Ils prétendent pouvoir soigner les patients à l’aide de tubercules, de feuilles d’herbes et autres remèdes.

Il est difficile, voire impossible, de dénombrer le nombre de guérisseurs traditionnels présents en Guinée. En 2011, la Fédération guinéenne des associations de guérisseurs traditionnels a été créée, présidée par Mamady Daman Traoré. Selon lui, à cette même époque, leur structure avait reçu l’agrément signé par Alhassane Condé, alors ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Cependant, « depuis lors, les guérisseurs traditionnels ont signé un protocole d’accord avec le ministère de la Santé pour une durée de cinq ans. Malheureusement, tous les projets que nous envoyons au ministère de la Santé sont détournés. Les travailleurs du ministère ne nous considèrent pas, ils ne nous prennent pas en compte, nous sommes relégués au second plan », déclare-t-il dans une interview qu’il a accordée à notre rédaction. 

Depuis le 5 septembre 2021 et le changement de régime en Guinée, Mamady Daman Traoré affirme que les nouvelles autorités leur ont demandé de recenser tous les guérisseurs traditionnels du pays, une opération en cours. Cependant, Mamady Daman Traoré affirme : « Lorsque vous regardez les informations, vous pouvez voir des médecins en formation, la construction de centres de santé, d’hôpitaux, mais vous ne verrez jamais de tradipraticiens en formation ou bénéficiant d’accompagnement. On nous empêche d’exercer nos activités et nous ne recevons aucun soutien. Pourtant, il existe deux branches de la médecine dans le monde : la médecine traditionnelle et la médecine moderne. Si les médecins traditionnels ne sont pas recensés et que leurs médicaments ne sont pas contrôlés, cela représente un risque pour la santé de la population. Si vous prenez la population guinéenne, la plupart des personnes qui se rendent à l’hôpital sont celles qui ont d’abord consulté un médecin traditionnel, surtout ceux qui vivent dans des villages reculés. Si ces médecins traditionnels ne sont pas associés et sont exclus par les autorités du ministère de la Santé, c’est vraiment déplorable pour le pays ».

Le cadre juridique de la publicité en Guinée…

La publicité de tout produit dans les médias est encadrée par une loi organique. Selon l’article 37 de la Loi/O2/CNT/ 2010, « les messages publicitaires doivent être conçus dans le respect des intérêts des consommateurs. Ils ne doivent en aucun cas, directement ou indirectement, par omission ou en raison de leur caractère ambigu, les induire en erreur ou mettre leur santé en danger. Toute publicité mensongère est passible de sanctions ».

Les sanctions sont énoncées dans l’article 38 de la même loi. Celui-ci stipule que « sont interdits les messages publicitaires concernant les produits faisant l’objet d’une interdiction. En cas de violation des articles 34, 35, 36, 37, 38, les auteurs sont sanctionnés d’une amende de 5 000 000 GNF à 10 000 000 GNF. En cas de récidive, l’amende est doublée et l’auteur est sanctionné par la loi sur la publicité ».

Les raisons qui poussent les médias à diffuser ces spots…

Malgré cette législation existante, certaines radios continuent de diffuser des messages des prétendus guérisseurs traditionnels. C’est le cas d’Horizon FM. Abdoulaye Ciré Diallo, rédacteur en chef de ce média, explique les raisons qui l’ont poussé à diffuser ces spots : « Nous diffusons des spots uniquement pour les tradipraticiens. Notre responsabilité consiste d’abord à écouter le contenu, puis à le diffuser, car il y a une différence entre la sorcellerie, le maraboutage, le charlatanisme et les guérisseurs qui utilisent la pharmacopée. Donc, si le traitement est basé sur des plantes pour certaines maladies, nous recevons des personnes qui affirment utiliser des plantes, et nous diffusons leurs messages. En gros, nous diffusons des communiqués qui ne sont pas des spots standards, d’une ou deux minutes. Ce sont des messages comprenant des témoignages de patients guéris, des réussites de guérisons […] ».

En outre, Abdoulaye Ciré Diallo précise : « Nous ne sommes pas responsables de leurs communiqués, mais notre responsabilité en tant que média consiste à ne pas diffuser des messages de personnes qui mentent et contribuent à des arnaques. Ce sont des tradipraticiens qui utilisent des plantes, une pratique ancrée dans la tradition africaine. En termes de tarification, ils ne paient pas les mêmes tarifs que les spots standards en raison de la durée différente. Il s’agit parfois de personnes qui se débrouillent et qui ont une activité, et nous les aidons un peu à la booster. Cela nous aide aussi, car nous ne travaillons pas gratuitement et cela nous permet de dynamiser nos petites activités ».

Des médias qui refusent de diffuser…

En revanche, à Ndimba Radio, aucun message d’un guérisseur traditionnel n’est diffusé à l’antenne. Le fondateur de cette station de radio est catégorique à ce sujet. « Ils nous ont fait toutes sortes d’offres, mais nous avons refusé. Nous ne sommes pas sûrs de ce qu’ils font, car il s’agit d’une question liée à la vie des gens, à leur santé. Je me souviens leur avoir demandé de me fournir une autorisation leur permettant d’exercer. Bien sûr, ils m’ont envoyé un certificat du ministère, mais finalement, j’ai décidé de ne pas m’impliquer, car s’ils sont réellement capables de traiter les gens, ils n’ont qu’à ouvrir leurs propres cliniques. Ils n’ont pas besoin d’une publicité excessive pour attirer les gens à se faire soigner. Donc, je ne veux pas donner la parole aux charlatans, aux personnes qui ne peuvent pas prouver leur science. C’est pourquoi nous avons refusé », explique Ibrahima Sory Traoré, PDG de Ndimba Radio.

Conclusion 

La présence des guérisseurs traditionnels en Guinée suscite à la fois l’espoir et la méfiance. Si certains pratiquent la pharmacopée et prétendent soigner à travers l’utilisation de plantes, d’autres sont accusés de charlatanisme et d’arnaques. Malgré l’existence d’un cadre juridique encadrant la publicité et la santé des consommateurs, certains médias continuent de diffuser les messages de ces tradipraticiens sans discernement. Cette situation soulève des questions sur la réglementation de la médecine traditionnelle et le rôle des autorités sanitaires dans la protection de la population. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la préservation des pratiques traditionnelles et la garantie de la santé publique.

-Pour cela, le gouvernement guinéen doit penser une loi spéciale pour encadrer le secteur de la pharmacopée dans le pays ; définir les critères à remplir pour être guérisseur traditionnel. 

-Aux médias d’éviter de faire passer les messages des guérisseurs traditionnels qui ne sont pas reconnus par l’Etat et dont les produits ne sont pas certifiés par la loi ou un comité scientifique.  

-Aux citoyens d’être plus vigilants et de privilégier la médecine moderne que de se tourner vers les guérisseurs traditionnels dont l’efficacité n’est pas toujours prouvée.