Le mardi 01 août 2023, aux environs de 20 heures 30 minutes, la Côte d’Ivoire venait de perdre l’un de ses illustres fils en l’occurrence l’ex-président de la République, Son Excellence Monsieur Aimé Henri Konan Bédié. Bien avant que l’information ne soit donnée, de bouche à oreille, les rumeurs avaient pris place. C’étaient les propos du genre ‘’il paraît que Bédié est décédé’’, ‘’on dirait que Bédié est mort’’ qui ont circulé. Et, finalement, dans le même temps, un média étranger, France 24 donne cette information de première main. Ce qui vient balayer le doute engendré par cette triste nouvelle surprise.
Mais, cette annonce douloureuse faite par France 24 avant la chaîne nationale a levé le courroux des ivoiriens. Le cas palpable est celui du journaliste George TAÏ Benson (GTB) qui a exprimé sa colère envers la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), eu égard à son retard quant à la diffusion de l’information y afférente. Cette sortie sévère de GTB a suscité des passions qui ont généré de vives réactions et interprétations tendancieuses des utilisateurs du Net contribuant ainsi à aggraver l’atmosphère autour de cette disparition tant sur les réseaux sociaux que dans des causeries de communautés.
Dans un texte publié sur sa page Facebook, Benson a déploré que la RTI ait préféré diffuser des débats futiles sur la situation au Niger plutôt que de rendre hommage à Bédié. Il a également accusé la chaîne de manquer de compassion et d’humanité.
L’essentiel du message de George TAÏ Benson, ancien journaliste à la RTI ci-dessous
« La RTI, bravo ! Après, c’est pour dire : Benson se prend pour qui ? Non ! RTI, 3 chaînes de télé, 3 chaînes de radio. Une redevance prélevée de force. Un budget de l’État. Le président Henri Konan Bédié meurt, et c’est France 24 qui fait un breaking news spécial, presque une intervention de journaliste spéciale pour mal informer les Ivoiriens ? Mais vous êtes comment même ? Je me prends pour qui ? Pour un ancien rédacteur en chef du journal télévisé de la RTI, qui connaît son travail. Celui-là même qui a présenté le journal de 20 heures, le jour de l’assassinat du raïs Anouar al-Sadate, président égyptien. RTI, y’a quoi ? Vous avez été formés comment et où ? Vous allez me brandir des diplômes. Master, doctorat, maîtrise et foutaises. C’est le dernier-là qui vous convient. Ou bien vous ignorez qui a été Henri Konan Bédié ? Vous ne valez rien. Depuis là-haut jusqu’en bas. Vous ne valez rien. Vous ne connaissez rien. Awa Éhoura, ou Lévy Niamkey, nous aurions pondu, en deux temps trois mouvements comme je leur ai appris, une édition spéciale avec des images d’archives, des images de l’atmosphère à sa résidence tout près de vos locaux, des interviews d’Ivoiriens devant sa résidence, de quelques témoins politiques de tous bords, etc. Mais eux, étaient des professionnels et non des militants, comme ceux que nous subissons pendant vos insipides exercices préférés, les débats. Vous nous avez déjà fait la même bêtise lors de l’attaque jihadiste à Grand-Bassam. Et demain, à la Présidence, on va vous décerner des prix d’excellence. Tchrrrrr, honte sur vous ! Fiaaaa ! Je suis, pour vous servir, Georges Taï Benson, le monument légendaire. Journaliste, un vrai, qui a fait ses preuves, au vu et au su de tous les vrais Ivoiriens pendant 40 ans. Tchrrrrr. RTI, va là-bas ! »
Les raisons de la sortie de GTB
En effet, selon le journaliste, ex-employé de la RTI, c’est un manque de professionnalisme de la part de la RTI, chaîne de télévision ivoirienne et surtout un grand manque de compassion. Ce professionnalisme demandé aurait voulu que la RTI diffuse en premier cette information capitale sous quelques formes que ce soient tout en respectant bien sûr le code du métier.
Et, en matière de publication ou diffusion de l’information, voici ce que dit le code d’éthique et de déontologie
En préambule, le code d’éthique et de déontologie dit : Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est l’une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public à connaître les faits et les opinions, et du devoir du journaliste à rechercher avec persévérance et détermination la vérité procède l’ensemble des devoirs et des droits du journaliste. La responsabilité du journaliste vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité… Partant, en son article Premier, le code stipule de Respecter les faits, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui- même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité et du devoir que le journaliste doit rechercher avec persévérance et détermination la vérité.
De ce point de vue, l’on accorde pleinement du prix à GTB pour avoir exprimé sa colère vu le manque de professionnalisme de la RTI.
Encore plus, Henri Konan Bédié est une personnalité de haut rang qui a marqué la vie politique en Côte d’Ivoire et au-delà des frontières. Toute information relative à son décès devrait faire l’objet d’informations pour éclairer la lanterne de tous.
Ce manque de pot de la part de la RTI a donné raison à George TAÏ Benson et a ouvert la brèche à une horde d’internautes qui en a profité pour traiter cette chaîne de tous les noms.
Les prises de positions des internautes via whatsapp, Facebook
Sans prendre de gants, les internautes ont réagi de façon la plus négative à l’égard de la RTI qui selon eux a mis l’accent sur le débat au sujet du coup d’Etat au Niger tandis que toute la Côte d’Ivoire et le monde entier étaient attristés par la perte de ce grand homme de surcroît le deuxième président du plus vieux parti politique du pays après le décès du père fondateur Félix Houphouët BOIGNY.
Parmi ces internautes, tandis que certains évoquent le manque de professionnalisme, d’autres établissent le lien entre la RTI et le parti au pouvoir tout en tirant sur le fil régionaliste et tribaliste.
C’est ainsi que répondant à un commentaire sous un post, le sieur Abdias D-trump Djekouri disait ceci « Les nordistes se plaignent toujours lorsqu’on des reproches. On dirait qu’une guerre psychologique est engagée entre les nordistes contre le centre, l’est, l’ouest et le sud de notre pays. Ok, toute chose a une fin ».
Dans un autre commentaire, on peut lire de Moussa Kamagaté ce qui suit : « Mr Georges Taï Benson merci merci merci merci merci. Vraiment ces soit disant médias en Côte d’Ivoire n’ont aucun respect pour les ivoiriens. Tout est régionalisé, c’est quoi ? En plus de la redevance RTI, on paye canal et ce qui fait le plus mal, les élus du peuple qui doivent nous défendre se font appeler (les moutons de Ouattara) Hééééé mon Dieu, c’est ce que FHB nous a laissé comme héritage ? »
Ce que disent les us et coutumes en pays Akan
La Côte d’Ivoire compte plus de soixante (60) ethnies. Chacune de ces ethnies à sa tradition. Et, relativement aux grands événements (naissances, mariages, décès…), il y a toujours des dispositions à prendre et une démarche à adopter.
L’inaction de la RTI face à cette nouvelle du décès du président Henri Konan Bédié trouve tout son sens.
Ainsi donc, de façon traditionnelle, la tâche d’annoncer le décès dans la société en pays Akan se fait avec beaucoup de sagesse.
De coutume chez les Akan, l’on envoie des messagers envoyés qui sont bien instruits dans la culture et la tradition akan et qui ont l’astuce d’éclater une nouvelle désagréable. Ils s’assurent que les récepteurs du message soient mis en bonne disposition psychologique pour pouvoir recevoir la nouvelle. Ils tiennent aussi en compte l’état d’âme du récepteur, sa santé et le moment propice d’éclater la nouvelle. Par exemple, la personne qui apprend cette triste nouvelle au moment où il est en train de savourer son délicieux repas s’arrête subitement et se met à pleurer. Conséquemment, l’annonceur d’une telle nouvelle attendra que la personne finisse de manger. Le plus souvent, on emploie les stylistiques littéraires comme l’euphémisme pour adoucir l’impact du message livré.
À ce propos, nous distinguons l’annonce de la mort d’une personne d’ascendance non royale et celle d’une personne d’ascendance royale (Owusu-Sarpong, 2001) dont
L’annonce de la mort d’une personne d’ascendance royale comme c’est le cas du sphinx de Daoukro, Henri Konan Bédié se fait selon les circonlocutions métaphoriques akan dont la traduction française est la suivante :
· L’arbre géant est déraciné ;
· Le palmier aux feuilles majestueuses a baissé la tête ;
· Nana est parti au village ;
· Nana est allé dans la grande maison ;
· Le siège royal s’est renversé.
L’annonce du décès d’un chef traditionnel avait la tendance de bouleverser tout le royaume comme il risquait d’être attaqué par son ennemi alors cela se faisait de façon prudente. On ne l’annonçait pas le même jour étant donné la nécessité de faire des rites traditionnels avant cette grande annonce. Owusu Sarpong (2001) nous informe que, de coutume, c’est uniquement la reine mère qui est autorisée d’annoncer la mort d’un roi ashante, d’abord, à Bantamahene (Chef du Mausolée royal ashante) et ce dernier aussi convoque une réunion de Conseil Traditionnel qui délibère à ce sujet.
Mais aujourd’hui, ce qui se passe est le contraire. Les annonces des funérailles qui sont dépourvues de sagesse traditionnelle mais ayant le but d’annoncer la mort dans les milieux akan peut prédisposer quelqu’un à sa mort prématurée. Nos enquêtes indiquent que de nos jours, cette manière de l’annonce du décès largement influencée par la modernité et la technologie est plus remarquée dans les milieux urbains que dans les zones rurales.
Aujourd’hui, dès que la mort frappe soit un chef, soit une personne ordinaire, il y a une annonce trop rapide dans la presse ou sur les réseaux sociaux. La mort du souverain akan, Otumfuo Opoku Ware II annoncée indiscrètement à la B.B.C (British Broadcasting Corporation) le 26 février 1999 avant l’annonce officielle du palais de Manhyia (Langellier, 1999) en est l’exemple typique. On apprend de la mort d’un chef akan à travers les réseaux sociaux (Facebook, twitter, Instagram, WhatsApp, YouTube, Tiktok etc.) sans que la parole officielle des autorités traditionnelles akan ne soit communiquée.
L’explication du conseiller spécial du directeur général de la RTI qui rejoint la pratique en pays Akan
Profitant de la tribune d’un atelier de renforcement de capacité organisé par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) en faveur des Média sur le thème « Protection des journalistes en période électorale : enjeux, Défis et perspectives » le mercredi 2 août 2023, le conseil spécial du DG de la RTI Dégni Mexan a tenu à faire cette précision.
« Hier au décès du président Bédié, des gens se demandaient pourquoi la RTI n’a pas donné l’information. Je voudrais faire cette précision : la mort du président Bédié n’est pas un fait ordinaire. C’est un ancien président. On ne l’annonce pas comme ça. Le contenu du communiqué d’une telle information est importante », a expliqué Dégni Mexan, selon les propos rapportés par artici.info.
Pour Dégni Mexan la RTI n’a fait que respecter une tradition. « L’annonce obéit à une tradition. Il faut la respecter. On attendait le tam-tam parleur Il faut un communiqué officiel de l’autorité pour l’annoncer. C’est une tradition », a-t-il précisé.
Manque de confraternité entre les hommes de médias
Le ras-le-bol de Georges TAÏ Benson à l’égard de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) suite au retard observé concernant la mort du président Bédié est un acte qualifié d’anti confraternel.
À cet effet, la grille d’écoute et de lecture de l’Observatoire de la liberté de la presse, l’éthique et la déontologie (OLPED) qui est la déclinaison du code d’éthique et de déontologie du journaliste en Côte d’Ivoire voudrait qu’entre les confrères journalistes, il y ait la confraternité en tout lieu et en toute circonstance.
Ainsi, cette grille définit la confraternité comme « Climat d’entente, de fraternité, d’amitié et de respect mutuel entre différentes rédactions d’une part et entre les rédacteurs d’autre part. Un état d’esprit, un comportement fait de savoir-vivre, de respect réciproque. La confraternité ne sait que faire du mépris, de la suffisance, du complexe de supériorité ou d’infériorité. La confraternité magnifie l’amitié, la solidarité, elle admet la critique« .
Conclusion
La présente analyse nous a permis de mettre l’accent sur trois niveaux distincts de responsabilité.
Le premier, le manque de retenue de Georges TAÏ Benson, autrement son acte anti confraternel, deuxièmement celui de la RTI ayant lésiné sur une information de première main plongeant les populations dans une colère et enfin la prise de position des internautes qui ne jurent que par les injures et qui attisent la flamme de violence et conflit.
Il faut noter que, en toute situation, lorsque nous devons porter des critiques sur le travail d’autrui, il est nécessaire de le faire dans les règles de l’art tout en faisant beaucoup attention aux réactions des autres qui pourraient mettre à mal la cohésion sociale. C’est une façon de faire éviter au maximum des interventions malencontreuses de toute part. C’est pourquoi en journalisme il est demandé à tout homme de média de pratiquer la confraternité pour maintenir la solidarité, le respect entre les confrères. Aussi, concernant la RTI, en de telle situation comme le décès d’un grand homme, en tant chaîne nationale, il faut toujours recouper les informations très rapidement pour prendre des dispositions en termes de diffusion pour éviter de s’exposer de la plus mauvaise manière afin d’être à l’abri des attaques pouvant jouer sur la crédibilité et la notoriété du média.
Pour finir, nous lançons un appel pressant aux utilisateurs des réseaux sociaux de faire plutôt des critiques objectives lorsqu’ils constatent des manquements ou défaillance dans le fonctionnement d’un média ou des animateurs dudit média. Pour finir sans clore, nous demandons aussi la formation, le renforcement des capacités et compétences des utilisateurs des réseaux sociaux tout en les éduquant aux médias. Tout ceci est en vue de mieux utiliser les réseaux sociaux et mieux les maîtriser.